« Ozborne, vous ferez signer ça par vos parents » lance le professeur en me tendant ma copie. Je soupire discrètement et la range dans mon sac sans même regarde ma note. Mes parents, il faudrait déjà qu’ils soient là pour signer ma copie. Enfin, théoriquement ils sont là, mais en vrai je ne les vois jamais. Entre mon père qui bosse toute la journée pour revenir une bouteille à la main vers minuit, et ma mère qui passe son temps dans son lit avec ses médicaments… Parfois je me mets à remercier le ciel de ne pas avoir un petit frère, il vaut mieux que personne d’autre ne vive cela avec moi, que je sois seul dans ma merde. Personne,  ne mérite de vivre cette vie, pas même Jordan, la tête de muscle de la classe qui s’amuse bien à me rabaisser. Oui, je sais j’ai des boutons, des cheveux frisés et je suis tout petit, bah ce n’est pas une raison pour me foutre la tête dans la chiotte. J’ai mis du temps à comprendre que si je faisais moi-même des conneries je serais tranquille de ce côté-là. Et ça marche hyper bien, maintenant on me laisse tranquille, parfois on me suit, parce qu’on sait que je prendrai toujours pour eux. C’est un principe : j’initie alors j’assume. Je ne dénonce jamais. Mais si je n’ai rien lancé et qu’on veut me le foutre sur mon dos, alors là je vous assure que je sais me défendre. Pour me sortir de là, j’appelle ma mère, quand je suis sûr que mon père n’est pas dans les parages, je lui fais prendre un peu plus de médoc et je l’emmène à l’école. Les profs me plaignent, je déteste ça, mais au moins ils me laissent tranquille. Un jour j’en ai entendu un qui a voulu appeler l’assistance sociale. Je me suis mis dans une colère noire et je lui ai pourri son bureau avec des boules puantes, des mots sur les murs, des palymobiles brûlés et du PQ mouillé. Plus personne n’a jamais tenté de m’aider. Je me débrouillerai seul dans cette vie. Je suis toujours allé au collège, puis lycée publique du quartier, là où c’est gratuit parce que je n’ai pas d’argent, parfois mon père oublie de me donner de l’argent et je ne mange pas à midi. Et si j’ose le lui rappeler, il me frappe. Vous vous doutez bien que dans ces conditions je ne suis pas resté longtemps chez moi. Les fugues ça me connait, j’ai même pas besoin d’être silencieux, mon père rentre trop tard, ma mère n’entend rien, je claque la porte d’entrée en sortant et je fonce dehors, là où la vie me laisse libre de mes actes. J’aime mieux ça. Et c’est comme ça que j’ai rencontré un groupe de jeune, j’étais encore un gamin, ils devaient avoir dix-sept ans et ils fumaient. L’odeur était atroce, mais je me suis approché parce qu’ils riaient, ils semblaient heureux. Je me suis faufilé dans le groupe et j’ai attendu. Lentement c’est arrivé jusqu'à moi, je ne connaissais rien, alors un grand m’a pris par l’épaule et m’a demandé si la marijuana m’intéressait, j’ai dit oui et j’ai fumé. Je me suis étouffé, mais j’ai recommencé. Encore et encore. J’adore ça maintenant, l’odeur c’est ma chambre, car il j’y ai fait pousser quelques feuilles sur ma fenêtre, comme elle donne sur une petite cours intérieure, mes vieux voisins n’y voient que du feu. L’odeur je la renifle à des mètres à la ronde. L’odeur c’est ma vie. Cette drogue douce ne m’a pas rendu accro, je saurai m’en défaire si jamais il le faut, je ne suis pas assez con pour m’enrouler dans quelque chose de grave, je n’irai jamais plus loin que du Cannabis sous toutes ses formes. C’est comme pour la boisson, je sais rester raisonnable, boire un shot de vodka quand le monde te regarde et qu’il le faut, mais sinon je reste à la bière. On s’amuse tout autant et le mal de crâne est bien moins douloureux le lendemain matin.

Cette université était bien trop grande pour moi. Comment j’y étais arrivé ? Sûrement par hasard et aussi parce qu’elle me permettait de fuir la maison, j’avais une espèce de chambre étudiante que je partageais avec un gros crade. Je ne suis pas un mec propre pour deux sous, mais je sors mes poubelles et je range un minimum, sinon c’est invivable. C’est pour ça que je suis sorti ce soir-là, parce que mon gras double de coloc avait encore foutu le bordel partout et que je ne voulais pas rester plus longtemps. Alors j’suis allé à cette soirée étudiante, les gens fêtaient tout et n’importe quoi, comme d’habitude. Heureusement la bière était gratuite pour peu qu’on savait s’y faire. Ce soir-là j’ai abandonné mes jeux de geek pour une raison débile et je ne le regretterai jamais. J’y ai rencontré un mec, un mec extraordinaire. On n’avait rien pour se plaire, rien en commun, mais on s’est croisé. Enfin il m’est rentré dedans comme un bourrin, mais il s’est excusé et c’était rare. Je n’ai pas l’habitude que les gens fassent attention à moi, je suis plutôt du genre invisible aux yeux de tous et inintéressant. C’est pour ça que j’ai choisi une fac immense :  pour pouvoir m’y perdre facilement au milieu de tous ces gens intéressants. Et alors qu’il allait partir je l’ai suivi. Pourquoi ? Parce que j’avais une envie de rencontrer un gars sympa pour une fois dans ma vie. Et ça a collé. Très bien collé, on a passé la nuit à rire, à parler, à déconner. Il m’a un peu raconté sa vie, je lui ai raconté la mienne. L’alcool ça aide à tisser des liens. Et depuis ce jour-là, Alexander et moi on est potes. Nous sommes le jour et la nuit, la lune et le soleil et pourtant on s’entend tellement bien. On s’engueule souvent, mais une bagarre en frères, ça prouve qu’on est des frères non ? Et je suis fier de le compter comme ami. Je ferais tout pour lui. D’ailleurs, on a pris un appart à deux, parce qu’on sait qu’on peut vivre ensemble, ya certaines personnes avec qui tu as beau t’entendre hyper bien, la coloc sera impossible. Avec Alex on arrive très bien à se mettre d’accord. Il est un peu plus ordonné que moi, il cuisine mieux, il est intelligent, il fait bien les choses, et moi bah j’apporte la touche de connerie, de bêtise, de vie. Je cuisine aussi, j’ai dû m’y mettre hyper tôt pour pouvoir bouffer quelque chose chez moi, donc ce n’est pas un problème. Et comme j’ai abandonné la fac parce que ça me saoulait j’ai beaucoup de temps. J’ai toujours su que je n’étais pas fait pour les études, ça m’ennuie et ne m’intéresse pas. Alors j’ai pris tous les petits boulots que j’ai trouvés, vendeur, caissier, chez macdonacld, en ce moment je suis livreur de pizza et j’adore ça. J’adore voir le nom des gens, imaginer leur tête et deviner comment sera leur appart, puis je les vois en vrai et j’aperçois un bout de leur vie. Je suis de plus en plus bon à ce jeu. Et ça me fait délirer. Alexander me rappelle souvent qu’il est avocat et qu’il arrive à voir des détails chez des gens facilement, mais moi m’sieur j’suis livreur de pizza et putain j’arrive bien à cerner les gens aussi. Quelle idée de faire de longues études ? Je ne suis pas crésus, mais je me débrouille pour vivre et surtout je ne vois plus mes parents. Je n’en entends même plus parler, je pense que c’est la police qui m’apprendra leur décès ou leur enfermement à l’hôpital eh bah, ça me fera pas grand-chose… En tout cas, je suis très bien ici dans mon appart avec Alexander, dans mon boulot, dans ma vie. Vraiment, je suis fier de tout ce que j’ai pu accomplir

On s’est croisé par hasard, je livrais une pizza dans le coin et je me suis arrêtée devant elle. Elle était perdue, elle cherchait son chemin, je connaissais le quartier comme ma poche alors je me suis approchée d’elle. Seulement quand j’ai croisé son regard, j’ai compris qu’elle avait perdu bien plus que son chemin. Alors sans trop savoir je l’ai prise sur mon scooter. C’était con, insensé, débile, dangereux, mais son regard m’a touché au plus profond de mon être. Ainsi a commencé notre amitié. Zoey, la fille qui sortait de sa cure et Flynn le raté. On avait tout pour se plaire et pourtant je l’ai toujours aimée comme une petite sœur. Mon cœur est divisé en trois : une grosse partie pour mon amour personnel, vu que ma famille ne m’a jamais aimé ou soutenu, j’ai dû combler. Une très grosse partie pour Alexander, mon best friend 4 ever, le mec qui me connait mieux que moi sans pourtant connaître toute ma vie, le mec qui sait me faire rire quand ça ne va pas, qui sait me faire pleurer quand j’en ai besoin. Et la dernière partie, la plus grosse, pour elle. Je donnerai ma vie pour Zoey, sans hésiter une seconde. Je ferai tout pour l’empêcher de retomber, je ferai tout ce qu’elle me demanderait. Et elle le sait bien la gredine et en profite. Mais c’est plus fort que moi. Je veux lui faire plaisir, je veux qu’elle soit heureuse, elle le mérite tellement. Elle mérite tout ce qu’il y a de bon sur terre. Et elle m'a donné son cœur aussi. Ensemble nous avons fait un échange, nous nous sommes promis de veiller l’un sur l’autre. De tout partager, c’est la sœur que je n’ai jamais eue. La meilleure amie que je n’ai jamais eue. Et puis j’ai fini par rencontrer sa sœur, elle m’en avait parlé, elle m’avait dit qu’elles étaient jumelles et qu’elles se ressemblaient beaucoup, mais moi je ne trouve pas. Oh bien sûr, elles ont une physique proche, mais l’une m’attire énormément l’autre est ma sœur. L’une me supporte et m’adore, l’autre me rejette et me déteste. L’une est parfaite, l’autre est parfaite. Bon pas dans le même sens évidemment. Zoey est ma sœur, Zelda est mon coup de cœur. Et je l’aime d’autant plus qu’elle me rejette. Je l’aime parce qu’elle est drôle, attachante, belle, colérique, impatiente de me voir partir. Je joue constamment avec ses nerfs, je l’énerve au plus haut point puis je disparais. Je ne veux pas qu’elle me haïsse par ma faute non plus, je veux qu’elle apprenne à me connaître. Je n’ai jamais rien dit à Zoey ni à Alex bien sûr, parce que Zoey voudrait m’aider et qu’Alex ne comprendrait pas. Tout aurait pu bien se passer, peut être que dans un futur proche cela aurait été possible et voilà que … j’ai  craqué. J’étais bourré, pour une fois j’avais bu autre chose que de la bière, pour une fois j’avais laissé Zoey choisir ma boisson. Et ensemble on a fini au lit. Je regrette tellement, parce que j’ai l’impression d’avoir rejeté mon désir sur l’aînée, d’avoir trahir ma sœur. Pourtant je l’aime énormément Zoey et nous avons passé un excellent moment, mais j’ai peur que ça brise nos relations, que tout aille de travers et que tout se passe mal par la suite. Et je ne veux pas être le salaud du coin. Je ne peux pas me faire les deux sœurs. Pourtant j’en meurs toujours d’envie. Comment est-ce que je vais m’en sortir ? L’avenir nous le dira, mais s’il vous plait les jumelles Rose-Harper pardonnez-moi.